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Interview - La transmission des cabinets : un enjeu conséquent à optimiser

La taille des cabinets d’expertise impacte considérablement son organisation et son mode de transmission. Entre le cabinet unipersonnel, fondé et dirigé par l’expert-comptable, assisté de quelques collaborateurs, et celui comptant un ou plusieurs associés, des collaborateurs stagiaires ou diplômés, la question se pose très différemment.

En fait, plus le cabinet sera structuré avec une délégation interne et plus il sera intéressant pour un repreneur ; à l’inverse, plus il sera autocentré autour d’un acteur principal, l’expert-comptable, plus il sera personnalisé du fait de relations personnelles intuitu personae entre le dirigeant du cabinet et ses clients, moins il intéressera un repreneur.

Nous le savons, l’acquéreur investit dans un cabinet pour son avenir. Si sa situation actuelle est un élément important, la question fondamentale est la vision de son existant, de son avenir et de son potentiel à terme ; ce qui influe sur l’intérêt et sur la valeur, bien évidemment.

L’anticipation est un des critères clés de la réussite d’une transmission : elle permet d’aborder la problématique sous ses différents aspects, pour se préparer soi-même d’abord et pour organiser, préparer, optimiser, autant que possible, la transmission proprement dite.

La transmission de votre cabinet doit s’inscrire dans votre stratégie

Il s’agit d’une opération stratégique qui ne s’improvise pas. Bien des dirigeants de cabinets ne se préoccupent de la transmission de leur cabinet qu’après un certain âge, celui où ils envisagent de prendre leur retraite.

Dans les faits, cinq années sont souvent nécessaires pour préparer le cabinet à être transmis. L’anticipation, redisons-le, est primordiale.

Il faut penser la transmission de son cabinet comme un acte stratégique majeur et l’organiser en conséquence.

En quoi votre cabinet est-il différent des autres cabinets ? Quelles sont ses spécificités ?  Quel avenir souhaitez-vous lui donner ? Quand envisagez-vous de le transmettre ? Le céder à un confrère pour de la croissance externe ? À un jeune diplômé ? À ses collaborateurs ?

Le diagnostic objectif du cabinet, en utilisant la matrice SWOT (Strengths/Forces, Weaknesses/Faiblesses, Opportunities/Opportunités et Threats/Menaces) par exemple, permet de prendre du recul et d’apprécier ses points forts, mais aussi ses points faibles et donc, le potentiel de progrès pour le préparer à être « désirable », transférable. Certaines faiblesses, comme un turnover important par exemple, peuvent prendre plusieurs années pour être corrigées. Cela en augmentera d’autant la valeur.

Pour être très schématique, disons qu’un cabinet pourrait reposer sur trois variables : 

1.      sa clientèle,

2.      son équipe et

3.      ses spécificités (savoir-faire particuliers, prescripteurs, organisation interne, délégation, outil de production, image, implantation, notoriété, réseau professionnel et interprofessionnel, etc.).

Si l’on graduait chacun de ces paramètres sous les aspects de la matrice SWOT, les pistes de progrès seraient éclairées.

Dans bien des cabinets de taille courante, le dirigeant, l’expert-comptable, occupe « le » poste clé. Souvent d’ailleurs, la majorité de ses clients sont assez proches de sa génération. Transmettre, cela signifie que le repreneur bénéficiera des actifs du cabinet transmis et notamment, du transfert de la clientèle. La question de fond à se poser est la capacité de son organisation actuelle pour permettre d’envisager sa pérennité.

Au-delà des aspects techniques, une présentation de clientèle signifie qu’il faut présenter les clients et les collaborateurs au(x) nouveau(x) dirigeant(s). Cela se prépare assez finement pour éviter un rejet. L’habitude est une maladie qui peut faire beaucoup de dégâts.

Un des atouts essentiels pour réussir une transmission, c’est la qualité de l’équipe, son implication, sa motivation, sa compétence, sa capacité d’adaptation et à représenter le cabinet.

La transmission du cabinet en interne : source de motivation, de fidélisation des talents et de partage d’un projet d’entreprise

A priori, transmettre à ses collaborateurs, si l’on dispose d’un diplômé au moins, peut s’avérer une très bonne solution.

La question préalable est de savoir si le cabinet dispose de cette ressource. Elle n’est pas là par hasard. Pour qu’elle soit présente, il est souvent nécessaire de la recruter, lui permettre de s’épanouir, prendre des responsabilités et partager, voire enrichir, la stratégie du dirigeant.

Tous ces éléments nécessitent une recherche et un travail patient de la part de l’expert-comptable.

Les avantages :

-      Connaissance des clients, des collaborateurs et de l’organisation,

-      Risque de perte de clientèle limité,

-      Préparation planifiée de la transmission,

-      Réelle connaissance du cédant et du ou des repreneur(s).

Les freins :

-      La volonté d’endosser le « costume » du dirigeant du cabinet,

-      Les ressources financières,

-      La difficulté de négocier en tant que collaborateur, risquant, en cas d’échec, de devoir quitter le cabinet,

-      Le changement de statut vis-à-vis des collaborateurs et des clients.

Ces freins peuvent se trouver assez allégés par un engagement du cédant pour les réduire, dans une perspective de construction du projet.

Cette solution peut répondre aux objectifs de pérennité et de progressivité dans le processus de la transmission ; elle peut aussi procurer une satisfaction morale, qui est de récompenser ceux qui ont participé à une réussite et partagé quelquefois des épreuves.

Il peut aussi être envisagé d’inclure dans la reprise, au-delà du ou des diplômés, d’autres collaborateurs.

En effet, bien des cabinets subissent un turnover des collaborateurs, signe d’un marché qui recrute, mais aussi peut-être d’un espoir de trouver ailleurs un emploi plus intéressant, plus rémunéré, plus proche géographiquement, avec plus de potentiel. Ces changements ne génèrent pas que des heureuses surprises, mais elles existent. Aussi, peut-être faut-il penser aux moyens de les éviter, surtout sur un marché en tension.

L’association des principaux collaborateurs non diplômés peut être une source de motivation et de sécurisation pour les diplômés repreneurs.

Le statut d’associé, même minoritaire, doit se traduire concrètement, notamment par la prise en charge progressive de dossiers de direction. Si le collaborateur pressenti se déclare motivé, il pourra être associé progressivement selon des modalités qui le permettent.

Dans tous les cas, ces processus sont longs et, bien souvent, le cédant doit aider les repreneurs au plan financier, par du crédit vendeur, par une révision de la rémunération, notamment en y adjoignant des bonus, etc.

La cession à d’autres confrères : le partage des valeurs, la complémentarité

Dans un monde professionnel où l’évolution des attentes des clients coïncide avec une évolution réglementaire du périmètre d’exercice du métier d’expert-comptable et de nouvelles aspirations professionnelles des jeunes générations, une réflexion sur la cession à d’autres confrères qui s’installent ou qui disposent déjà d’une structure, pourrait présenter de l’intérêt, notamment pour renforcer l’offre de services, augmenter la présence locale ou sur certains secteurs d’activité pour favoriser une forme de « spécialisation » ou plus de proximité, permettre d’offrir des promotions à certains collaborateurs.

Les erreurs à éviter

-      La précipitation et l’analyse allégée des dossiers, de la clientèle, des collaborateurs ou de la rentabilité,

-      L’absence de rencontre des principaux responsables,

-      Le prix trop élevé,

-      La faible négociation des garanties,

-      La négociation en direct, sans prendre de recul ; c’est pourquoi nous recommandons de se faire accompagner d’un conseil qui a l’habitude de ce genre d’opérations,

-      La précision quant à l’accompagnement post-reprise,

Du fait d’un marché plus acheteur que vendeur, certains conseils, rémunérés sur le prix de vente, pourraient être tentés d’inciter à se positionner sur une valeur haute du prix de vente. La rareté de l’offre accrédite cette thèse et l’urgence de se positionner, car pour un cabinet à céder, il y a généralement plusieurs acquéreurs potentiels. Tous les cabinets à céder ne sont pas des bonnes affaires, non seulement au niveau du prix ou de l’absence de garanties proposées de plus en plus souvent, mais au niveau de l’organisation du cabinet, de ses méthodes et de certaines pratiques (comme l’absence de gestion du temps, par exemple).

Parmi les facteurs clés de succès, citons :

-      La capacité à se décider rapidement,

-      L’évaluation de la zone de prix en fonction de la réelle rentabilité prévisionnelle, intégrant les éventuelles économies d’échelle,

-      Les ressources disponibles pour prendre en main le cabinet à transmettre, tant au niveau des collaborateurs que des clients,

-      La capacité à voir le cabinet futur à partir du cabinet actuel, car la reprise ne signifie pas de reprendre ou poursuivre telle quelle la situation actuelle, mais disposer d’une vision d’avenir à faire partager, notamment aux collaborateurs,

La transmission d’un cabinet d’expertise s’anticipe et doit s’inscrire dans la stratégie du cédant. Des choix sont à opérer, compte tenu de valeurs et projet personnels, ainsi que d’opportunités. 

N’oublions jamais qu’une « bonne affaire », c’est gagnant-gagnant.

© Jean-Luc SCEMAMA- La profession Comptable, N°392 - Octobre 2015





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